Non classé, Spiritualité

Dialogue avec Bob, mon saboteur intérieur

Reconnaître, comprendre et apprivoiser cette voix qui nous freine

On a tous cette petite voix dans la tête. Vous savez, celle qui débarque pile au mauvais moment, quand on ose sortir des sentiers battus, quand on crée quelque chose ou simplement quand on rêve un peu plus grand. Moi, j’ai baptisé la mienne Bob. Et Bob, il a ses petites phrases favorites : « C’est vraiment bébé ce que tu fais », « T’en as du temps à perdre», « Ça, de l’art ? N’importe quoi », « Le monde va se moquer de toi », « Tu ne finis jamais rien de toute façon ».

Bob n’invente rien. Il a collecté ces phrases au fil du temps, des bouts de phrases entendues par des gens de mon entourage — un parent, un professeur, une amie, mon père. Ces mots, lancés dans des moments de vulnérabilité, se sont incrustés, ont pris racine. Pour Bob, ce sont des vérités absolues qu’il conserve précieusement.

Dès que je m’aventure hors de ma zone de confort, Bob rapplique. Devant une page blanche, un projet à proposer, une idée nouvelle à partager… il est là, fidèle au poste. Sa persévérance est remarquable — ça fait des années qu’il radote les mêmes affaires, convaincu de bien faire.

Aujourd’hui, j’ai décidé de lui parler.  Je veux comprendre.

— Bob, il faut qu’on discute. Pourquoi tu t’acharnes à me ressasser sans cesse les mêmes rengaines ? Ça m’insécurise, me freine, me paralyse même parfois.

Silence. Je sens qu’il est surpris, lui qui n’a jamais eu à justifier sa présence. Je l’ai toujours écouté sans jamais la remettre en question.

— Tu sais, ces phrases que tu me rabâches à répétition, elles viennent d’ailleurs. Oui, je les ai entendues, mais ce n’est pas parce qu’on me les a dites qu’elles sont vraies. Ce ne sont pas des lois universelles, Bob. Tu leur donnes beaucoup trop de pouvoir.

Bob se tortille, cherche ses mots.

— Je veux te protéger, finit-il par murmurer. Pour éviter que tu te plantes, que tu te fasses ridiculiser.

— Me protéger de quoi exactement ? Tu me paralyses, Bob. Je n’ai pas besoin que tu sois aussi présent, aussi bruyant.

Bob se tait, déconcerté

— Si je me tais, je deviens quoi? Qui va te rappeler les risques ?

— Je peux les voir moi-même, les risques. Les évaluer. Et si je me plante ? Eh bien j’apprendrai, c’est tout. Je ne veux plus que tu utilises les peurs des autres pour m’arrêter. Bob, je comprends maintenant : tu n’es pas dans le jugement constant comme je le croyais. Tu es dans la peur. Et tu as peur de tout.

Bob baisse la tête. J’ai visé juste.

— Maintenant qu’on a clarifié la situation, tu pourrais changer de rôle, non ? Plutôt que d’être le radoteur qui sème le doute, tu pourrais devenir celui qui pose les bonnes questions, qui m’aide à réfléchir sans m’enfermer. Tu me serviras de repère, pas de barrière. C’est beaucoup plus amusant n’est-ce pas? 

Depuis cette conversation, je respire mieux. Bob n’a pas disparu — il se transforme doucement. Bon, c’est pas parfait et ça ne le sera sans doute jamais totalement, mais de part et d’autre, on fait des efforts. Je constate, un peu plus chaque fois que de gardien anxieux, il devient compagnon de réflexion. Moins tyrannique, plus nuancé.

On a tous un Bob quelque part dans la tête ou dans le cœur. Mais on peut lui parler, lui confier une mission plus noble, reprendre le contrôle sur les histoires qu’il nous raconte.

Allez, invitez votre saboteur à une bonne conversation. Ça pourrait vous amener dans des sentiers inattendus, vous surprendre et vous faire grandir. Ça pourrait vous bouleverser aussi.

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